Le ciel est bleu, le soleil est brillant. Vincent, Marieanne et moi sommes dans une barque. Marieanne, je suis incapable de l’appeler Manon désormais, et moi sommes restés amis depuis notre rupture. C’était son idée, de passer une journée de congé ensemble, tous les trois, sur la mer. Vince trouvait cela un peu idiot, mais il a accepté de venir.
« Hé! » Dit-il soudainement, en me fusillant du regard.
Mes larges ailes de fées couleur miel ont frôlé son corps.
« Désolé. » Lui dis-je.
Je me suis réveillé un beau matin et elles étaient là, bien accrochées à mon dos. Elles me permettent de voler, mais pas d’avoir de la magie féérique.
« Ne peux-tu pas les replier? » Demande Marieanne. « Elles prennent trop de place dans la barque. »
« Je peux essayer. »
Après bien des efforts, en me concentrant fortement, je parviens à changer leurs formes et à les replier, telles des ailes de coccinelle.
« Voilà! » Dis-je, soulager. « C’est mieux comme ça. Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant? »
Marieanne et Vince soupirent en même temps. Ils doivent me trouver idiot.
« Alors, » demande Marieanne pour passer à autre chose. « Comment vont les affaires à La Gueule de Saturne? »
« Je croyais que nous étions ici pour nous détendre. » Répond Vince d’un ton pincé.
« Pardon. Cela est vrai. Alors… »
« Marieanne, et si tu cuisinais un gâteau quand nous revenons? » Dis-je, voulant lui donner un coup de main.
Elle se tait, Vincent aussi, et j’ai l’impression d’avoir fait un faux pas.
Je regarde le ciel. Il s’est couvert rapidement.
« Je ne vois plus le soleil. » Dis-je.
« Il faudrait rentrer. » Dis Vince. « Une tempête risque d’arriver. »
Il avait raison. Le ciel pleure. La pluie s’abat sur nous. Le vent se lève. Nous tentons de rentrer, mais l’océan se déchaine rapidement, trop rapidement.
« NON! » Crie Marieanne.
Notre barque se renverse et nous nous retrouvons à l’eau.
Je parviens à remonter à la surface, à déplier mes ailes mouillées et à m’envoler. Je crie, j’appelle Vincent et Marieanne. Je ne les vois pas. Je suis tout mouiller et il m’est difficile de combattre la puissance du vent. Je commence à paniquer. Et s’ils sont morts? Non. Impossible.
« VINCE! MARIEANNE! »
Tout à coup, je vois leurs têtes apparaitre à la surface, mais ils ne sont pas seuls. Marieanne est soutenue par une fille aux cheveux longs portant une simple tunique en un tissu épais. Vincent est tenu par une créature aquatique aux courts cheveux blancs, aux yeux noirs, à la peau verte et aux oreilles ressemblant à des nageoires.
« Va-t’en! » Me dit la créature aux cheveux blancs.
« Qui es-tu? »
« Naija et voici Neri. Nous allons les sauver. »
« Mais tu dois partir! » Ajoute Neri.
« Mais… »
« PARS! » Insiste Neri. « Si tu tombes à l’eau, nous ne pourrons pas t’aider. »
Cela me frustre énormément, mais je retourne vers la terre, vers la ville française. Je suis en sécurité, mais je me morfonds d’inquiétude. Je reste dehors au quai, sous la pluie, espérant voir Vincent et Marieanne arriver.
Je ne sais pas combien de temps j’ai attendu, mais je crie de joie quand je vois Vincent et Marieanne arriver, combattant l’eau avec l’aide de Neri et de Naija. Je les aide à sortir de l’eau. Naija et Neri replongent. Je ne les revois plus.
« Elles vont s’en tirer. » Dis Marieanne. « Mais il faut se réchauffer. »
Elle éternue. Elle semble à bout de force. Vince n’est pas mieux. J’ai l’impression qu’il veut s’évanouir.
« Allons à mon appart. » Dis-je.
« Non, au mien. » Dis Vincent. « Il est mieux chauffé. »
« D’accord! »
J’arrive à héler un taxi. Le chauffeur se demande d’où nous débarquons, pour être mouillés à ce point.
« Peu importe! » Lui dit Vince sèchement en le payant avec des billets mouillés. « À La Gueule de Saturne, vite! »
Le chauffeur nous y amène.
À l’appartement de Vincent, nous nous déshabillons, chacun de notre côté et nous nous séchons avec des serviettes épaisses. Vince nous prête des vêtements. Ils sont un peu grands pour moi, mais je ne me plains pas. Étrangement, ils font bien à Marieanne. Nos vêtements mouillés vont au lavage. Vince propose alors de prendre un bain.
« Chacun notre tour, » dit-il, « cela va de soi. »
« Je veux bien. » Dis Marieanne.
« Les dames d’abord. » Ajouté-je, voulant être galant.
Marieanne va à la salle de bain de Vincent. Je me retrouve seul avec mon patron.
« Rody, tu vas trouver cela bête, mais après ce qui nous est arrivé, je dois te le dire maintenant. »
« Me dire quoi? »
Il s’approche de moi.
« Que je t’aime. »
Il m’embrasse avant que je puisse l’arrêter. Après qu’il retire ses lèvres de moi, je reste figé. Mon cerveau prend un temps avant de décoder ce qui vient de se passer. Vince m’a embrassé. Après qu’il a déclaré son amour pour moi. Vincent, mon patron.
« V-V-Vince, c’est…! »
« Ne me dis pas que c’est une folie! Je t’aime Rody! »
« Mais tu es mon patron… »
« Et alors? »
« Tu es un homme. »
« Et cela change quoi? »
« Marieanne… »
« Tu n’es plus avec elle. Cela ne marchait pas entre vous deux. Puis, tu dois le reconnaitre Rody, tu ne prends pas soin de toi. »
« C’est pas vrai! »
« Si, c’est vrai. Tu te sacrifiais pour elle. Ce n’est pas ce qu’elle voulait de toi. Ce n’est pas ce que je veux de toi. »
Vince m’embrasse à nouveau. Je ne le repousse pas.
« Je ne veux pas que tu sacrifies tout pour moi. »
Je ne sais pas quoi lui répondre. Pourtant, je le sens. Que je l’aime aussi. Un amour vrai, différent de celui que j’avais pour Marieanne.
« Tu n’as pas à me dire ‘je t’aime’ tout de suite. Je suis patient. »
Je ne peux pas m’empêcher de rougir. Au même moment, Marieanne arrive.
« Félicitations! » Dit-elle et je devine qu’elle a tout entendu.
Vince lui rétorque qu’elle devrait avoir honte d’espionner. Pendant qu’elle lui rétorque que ce n’est pas le cas, je vais à la salle de bain pour prendre un bain.
Pendant que je me lave, je ne peux pas m’empêcher de sourire. Nous avons survécu à la tempête, j’ai rencontré Naija et Neri, Vincent m’aime. Je sens que nous allons vivre des moments de bonheur. Je serai toujours un bon ami de Marieanne. J’espère revoir Naija et Neri aussi. Demain, je retournerais voir l’océan et j’utiliserais mes ailes de fées pour tenter de les trouver.